Les faux amis de l’Afrique : une enquête…

25 Mai 2007 , Rédigé par babnet.net Publié dans #NOUVELLES D'AFRIQUE

Par Fériel Berraies Guigny. Paris
Vincent HUGEUX est journaliste. Il a fait ses études à l'ةcole supérieure de journalisme de Lille. Après un passage à La Croix et au quotidien Le Monde, il travaille désormais comme grand reporter au service international de l'hebdomadaire L'Express dont il préside la Société des journalistes (SDJ). Il est spécialiste de politique internationale, notamment de l'Afrique et du Proche-Orient. Il a reçu le prix Bayeux 2005 des correspondants de guerre pour son reportage sur l'Ouganda (« Ouganda, l'enfance massacrée »). En janvier 2007, il a publié "Les Sorciers Blancs, Enquête sur les faux amis français de l'Afrique", chez Fayard. 

Le 16 mai 2007 le président Jacques Chirac a quitté l'Elysée cédant la place à Nicolas Sarkozy. Qu’ont donc signifié les douze années de relations franco-africaines ?


Certes, on n’oubliera pas de sitôt la formule tant controversée et quelque peu anecdotique d’un Chirac avouant que les: "Les Africains ne sont pas mûrs pour la démocratie". Pour beaucoup, cette remarque a été interprétée comme une survivance d’un esprit colonialiste. Ou le néocolonialisme actuel, sur fond de paternalisme empathique. La France Afrique a fait coulé beaucoup d’encre depuis De Gaulle et Focart. Pourtant, la presque totalité des présidents français, à des degrés divers, ont entretenu des amitiés "douteuses" et suspectes avec des tyrans, despotes, empereurs et autres dictateurs africains en tout genre et toute couleur politique confondue.
Des leaders maintenus au pouvoir contre la volonté de leur peuple, Jacques Chirac n'y a pas fait exception. Bien au contraire.
Les crises et les conflits se sont multipliés, voire renforcés sur le continent, comme l'atteste la situation en Côte d'Ivoire, au Tchad, en République Centrafricaine, etc. Autant d'éléments qui illustrent l'échec de la politique française en Afrique sous Chirac, même si celui-ci n’a fait que reprendre un train déjà bien en marche. La France, tous régimes confondus, s'est toujours "nourrie" de l'Afrique, politiquement, diplomatiquement et économiquement.
Et aujourd’hui il est réaliste de penser que "La France n'a pas d'amis, elle n'a que des intérêts" et avec Sarkozy viendra le règne du capitalisme à tout prix dans sa plus pure noblesse. Pourtant , ce n’est pas par manque d’initiatives "africaines" en faveur de l'Afrique et le Président Chirac n’avait pas dérogé à la règle. Des Sommets, il y en a eu à la pelle : des France Afrique, des Francophonies, des sommets de l'ONU, etc. 

Chirac aura été pourtant l'avocat du diable et l’ami de l'Afrique le plus régulier. Une même attitude qu’il aura aussi adopté s’agissant de sa politique arabe. Chirac a eu des idées généreuses pour le continent et même au-delà : son non ferme à la guerre contre l'Irak, la culture du devoir de mémoire (au sujet de l'esclavage et de la colonisation) qu'il a imposée à la conscience collective française, participent de cette volonté qu'il a toujours eue de reconnaître la "dette africaine" de la France.

Mais le nouvel ordre économique mondial fait de néolibéralisme en a décidé autrement et cela sera le cas pour bien des années à venir.
Ces sorciers blancs comme on se plait à les appeler, Vincent Hugeux, auront laissé des traces et des blessures indélébiles. Son ouvrage paru aux (éditions, de…. en parle franchement et sans aucune ambiguïté. Sous forme d’une enquête, ces Experts, illustres, méconnus, qui prétendent servir le continent et se servent de lui pour mieux assurer leurs arriérés ou leur compte en banque.
Car l'Afrique, bafouée et trompée ensorcelle et peu restent de marbre.

Au contraire, ce Continent aura produit des pèlerins, et escrocs de haut vol et gourous blancs. Certains d’entre eux, paradent encore sur la scène politique, juridique et médiatique hexagonale. Beaucoup, d'ailleurs, se sont brisés en Afrique. Un récit nourri des confidences glanées à la faveur de près de 80 entretiens.
Un véritable voyage dans la déconstruction du mythe franco africain, ou l’assassinat des dernières velléités d’une politique entre la France et les reliquats ou vestiges qui régentent encore l’ancien empire colonial.

Extrait du livre :
C'est une tribu étrange et méconnue dont l'étoile, naguère au firmament, n'en finit plus de pâlir. Ses membres braconnent encore dans les coulisses des palaces et des palais. Ils vivent souvent de la crédulité des leaders africains, novices, vétérans ou prétendants, leur cédant de l'image au prix fort. Au mieux, ces «sorciers blancs» venus de France vendent d'utiles conseils et d'habiles slogans. Au pire, des illusions. Sur ce terrain de chasse, moins giboyeux qu'hier, se coudoient les bosseurs, les faiseurs, les hâbleurs, les vrais pros et les escrocs. Au Congo Brazzaville, on a ainsi vu un certain Arnauld - avec un «l», s'il vous plaît - de Poligny conseiller simultanément deux ennemis engagés dans une guerre atroce, Denis Sassou Nguesso et Pascal Lissouba. Il y avait en fait chez le «comte» de Poligny, flambeur patenté et bonimenteur inventif, plus de faux-semblant que de vrai sang bleu. ہ l'été 1996, le très roturier Patrick Campion, puisque tel était son nom pour l'état civil, avait ainsi extorqué à la présidence congolaise un demi million de francs (75 000 euros environ) pour un documentaire aussi fictif qu'intimiste sur Lissouba...
Peu importe le client : ses largesses pèsent plus lourd que sa vertu. Le fric qu'on gagne avant l'Afrique qui gagne.
Volontiers vantards, nos gourous ont leurs rites, leurs codes et leur langage. Pour étourdir le «roi nègre» en mal d'audience, le conseiller en communication l'enivre de «stratégie», de «plan média», de «coeur de cible» et de «rétro plannings». Les plus prosaïques volent au secours de la victoire, quitte à déserter, à l'heure où la chance tourne, le camp du vaincu. «Ceux-là vous piquent votre montre pour vous donner l'heure», persifle un initié, illustrant au passage un autre travers de la famille : sa propension à dénigrer la concurrence. ہ l'heure du scotch ou du Martini, dans la pénombre feutrée du bar d'un hôtel de luxe, on se plaît à égrener des jugements cruels ou condescendants. Le procédé est infaillible : lâchez le nom d'une figure du milieu, la réplique fuse. «Elle ? Moins la conseillère du patron que la dame de compagnie de son épouse», grincent en choeur un porte-parole ivoirien et une ex-rivale française. L'intéressée a du répondant, pour peu qu'on lui livre en pâture un pionnier. «Lui ? Un margoulin. Il traite les Africains comme des Zoulous.» La riposte cingle : «Méfiez-vous des marchands de vent et des pieds nickelés.» Tel autre, prodigue en anathèmes cassants, se fait tailler un boubou pour l'été par un glorieux aîné : «Ce type est un prétentieux sans foi ni loi.» «Un fou furieux, un mythomane», renchérit une consoeur. Et si l'on évoque une icône du milieu, c'est pour apprendre qu'«elle a fait un tort considérable au métier».
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Fiche détaillée :
"Les sorciers blancs"
Auteur: Vincent Hugeux
Editeur: Editions Fayard
Date de parution: 17/01/2007
Nombre de pages 302 pages

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