Emmanuel Olvier Gabirault se prononce sur la situation du pays

Rédigé par l'independant.cf Publié dans #INTERVIEWS

« La situation de la République Centrafricaine est inquiétante. Mais le véritable drame est qu'elle ne semble pas préoccuper ses dirigeants qui se soucient plus de leur fauteuil, oubliant qu'ils ne peuvent le préserver que par la paix, la sécurité, le bien être de la population, qui font malheureusement défaut ».
Ancien Ministre, ancien Maire de Bangui, actuel Président Nationl de l'Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP) un parti de l'opposition, Emmanuel Olivier Gabirault (EOG) a accepté de répondre à nos questions.

Quelle analyse faites-vous de la situation politique en République Centrafricaine ?
EOG: La situation de la République Centrafricaine est inquiétante. Mais le véritable drame est qu'elle ne semble pas préoccuper ses dirigeants qui se soucient plus de leur fauteuil, oubliant qu'ils ne peuvent le préserver que par la paix, la sécurité, le bien être de la population, qui font malheureusement défaut.

Ce sont en réalité un manque de clairvoyance, une haine politique, une suspicion injustifiée et généralisée, l'esprit d'affrontement, de suffisance, de sectarisme, le refus de se remettre en cause, de faire confiance, de suivre des conseils, l'absence du sens de l'Etat, le totalitarisme mal dissimulé sous un habillage démocratique, qui sont essentiellement à l'origine de la situation actuelle.

Elle se traduit par : le déni d'une gouvernance démocratique, les violations répétées de la constitution, le non respect de la séparation des pouvoirs, notamment l'indépendance de la magistrature, la haine pour les partis politiques de l'opposition, le refus de leur accès aux médias d'Etat, même pour l'éducation civique et politique de leurs militants, l'insécurité généralisée, les violations quotidiennes des droits de l'homme, le triomphe de l'impunité, du tribalisme, la prédation dans la gouvernance économique, le mépris de l'avis, de la volonté du peuple, l'aggravation de la pauvreté, la culture de la violence tant physique que verbale, une diplomatie avilissante, une insouciance surprenante face aux graves problèmes de la nation et à leur aggravation.


Dans un pays dont la démocratie n'est que naissante et qui souffre encore des conséquences de nombreux évènements douloureux d'un passé assez récent, il est évident qu'on ne vient pas au pouvoir pour une promenade de touriste, mais pour faire nécessairement face à des problèmes avec la capacité de les résoudre, sans trop de dommages pour le pays. Malheureusement tout se ramène à l'usage systématique de la force, de la violence, ce qui complique tout, engendre tout, cumule dangereusement tout.

Même dans les pays qui ont des moyens, la guerre engendre toujours des perturbations, des coûts, notamment sur le plan financier, économique et social.
Or la République Centrafricaine dont la situation financière, économique et sociale se passe de commentaire, n'a aucun intérêt à privilégier la guerre au dialogue pour régler une crise. La situation générale dans le Nord du pays qui découle de cette option est facile à imaginer lorsque les enquêtes récentes des Nations Unies révèlent par exemple la présence à Birao de 600 (six cents) habitants seulement sur les 14 000 (quatorze mille) qui peuplaient cette ville, indépendamment des villages incendiés dans leur grande majorité sur les axes de cette partie du pays.

Qu'en dites-vous de l'accord signé à Tripoli entre Bozizé et le rebelle Abdoulaye Miskine ? Beaucoup pensent que cet accord est sans lendemain.

EOG : Ceux qui pensent de la sorte ont parfaitement raison et les faits le prouvent d'ailleurs.
L'accord de Tripoli a été signé dans la précipitation, sans prendre en compte les aspirations profondes du peuple centrafricain. Cet accord ne peut être considéré comme conclu dans l'intérêt de la population centrafricaine, dès l'instant où il ne s'inscrit pas dans un compromis global avec toutes les composantes de la nation.
Il porte bien au contraire en lui les germes de troubles futurs.

Que préconisez-vous pour une sortie de crise dans votre pays ?

EOG : Ce que le pouvoir ne comprend pas encore, c'est que dans toute démocratie, il y a la majorité qui gouverne et l'opposition qui critique et fait des propositions constructives pour l'intérêt supérieur de la nation. Autrement dit, aussi bien la majorité au pouvoir que l'opposition ont en commun un seul intérêt qui est celui du bien être de la nation, même si leurs rôles respectifs semblent apparemment différents.

C'est précisément dans le cadre de son rôle que le parti ADP a eu la clairvoyance d'attirer l'attention du pouvoir dès le 18 octobre 2005 sur ce qui allait devenir la situation catastrophique actuelle. Mon parti a par ailleurs suggéré au pouvoir le 17 mars 2006, l'organisation d'un dialogue qui aurait pu éviter le drame inacceptable que connaît en ce moment le Nord du pays.

L'orgueil du pouvoir l'a conduit à ne pas prendre en compte toutes ces propositions et les faits donnent aujourd'hui raison à ce parti, même si les autorités centrafricaines n'ont pas le courage de reconnaître leurs graves erreurs.

Vous me demandez quelle solution, je préconise pour une sortie de crise ?
Il n'y a pas une autre solution que le dialogue, même s'il doit intervenir après les erreurs du pouvoir, c'est-à-dire les drames de la solution militaire.

Le pays appartient à tous les Centrafricains et non uniquement à ceux qui ont pris le pouvoir initialement par les armes ou ceux qui veulent le conquérir par le même procédé. S'il y a un malaise, les Centrafricains doivent se réunir, dialoguer et trouver une solution durable afin que la paix soit également définitive pour permettre la reconstruction nationale.

La tenue d'un dialogue politique inclusif est donc la meilleure voie de sortie de crise qui secoue notre pays car il faut que les causes profondes de la rébellion soient connues pour que des solutions dans l'intérêt supérieur de la nation soient trouvées.
Vendredi 30 Mars 2007
 
Propos recueillis par Adrien Poussou
 

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