INCENDIES MEURTRIERS A REPETITION EN PLEIN PARIS

30 Août 2005 , Rédigé par LIBERATION Publié dans #NOUVELLES DU MONDE

 

Paris, la capitale aux 976 taudis


Le troisième incendie meurtrier en quatre mois souligne la dangerosité de nombreux bâtiments parisiens, notamment dans les quartiers populaires.

Par Tonino SERAFINI
mercredi 31 août 2005

paris Ville lumière, mais aussi Paris ville des taudis.

Une réalité masquée par ses larges avenues plantées d'arbres et d'immeubles en pierre de taille qui impressionnent les touristes. Mais il y a l'envers du décor.

Celui du Paris populaire. Pas moins d'un millier d'immeubles sont classés insalubres dans la capitale (976 exactement), selon un inventaire établi en juillet par l'Observatoire du saturnisme, de l'insalubrité et de l'habitat dégradé, un organe mis en place par l'équipe Delanoë pour recenser les bâtiments vétustes et présentant un danger pour leurs habitants ; 80 % de ces immeubles sont situés dans les cinq arrondissements populaires du nord-est parisien : Xe, XIe, XVIIIe, XIXe et XXe (voir ci-contre). Le bâtiment du 8, rue du Roi-Doré (situé dans le IIIe), où 7 personnes ont trouvé la mort lundi soir, figure sur cette liste.

Parmi ces immeubles, une bonne cinquantaine sont intégralement squattés et autant partiellement occupés sans droit ni titre par des personnes ou des familles en panne de logement. Cette question des squats et des immeubles vétustes a déclenché hier une polémique droite-gauche, après la macabre série de trois incendies qui ont fait 48 morts. Hier, le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a préconisé la fermeture pure et simple de «tous ces squats et tous ces immeubles pour arrêter ces drames». Mais sans dire ou seront relogées les personnes ainsi mises à la rue. Hier, la préfecture de police a donné le ton en évacuant un squat rue du Chalet, dans le Xe.

A Paris, on estime que pas moins de 2 000 familles vivaient dans les 423 immeubles considérés comme les plus dégradés et confiés à ce titre à la Siemp, une société d'économie mixte municipale. A ce jour, 542 d'entre elles ont déjà été relogées. Les bâtiments les plus dangereux ont été vidés. Certains ont été rasés ou font l'objet d'une réhabilitation lourde. Problème : la résorption de l'insalubrité bute sur la question épineuse du relogement dans une ville où l'on compte 102 000 demandeurs de HLM. Mais Claude Goasguen, président du groupe UMP au Conseil de Paris, et Philippe Goujon, président de la fédération UMP, ont quand même demandé hier une enquête administrative pour savoir pourquoi l'immeuble de la rue du Roi-Doré n'a «pas été mis aux normes [...] et plus généralement pourquoi la ville de Paris a tant de difficultés pour éradiquer l'insalubrité».

 Des propos qui ont suscité un mouvement de colère à l'Hôtel de Ville.

 Un communiqué est venu rappeler que sous la mandature de Tiberi seulement «17 bâtiments insalubres avaient été identifiés», laissant entendre que les taudis sont un héritage des équipes municipales précédentes. Effectivement, la liste du millier de taudis parisiens a été établie en 2002, après l'arrivée aux affaires de Bertrand Delanoë. Les immeubles dégradés existaient déjà mais étaient ignorés. C'est à cette époque que la ville décide de consacrer 152 millions d'euros sur six ans pour résorber l'insalubrité. «Jamais une collectivité n'a débloqué autant d'argent», rappelle Jean-Yves Mano, l'adjoint en charge du logement. Pour reprendre en main le «noyau dur de l'insalubrité» (423 immeubles très dégradés), la municipalité utilise son bras armé : la Siemp. A elle de faire les diagnostics du bâti, de reloger les familles et, ensuite, de réhabiliter ou de reconstruire.

 Parmi ces bâtiments, des dizaines appartiennent de longue date à la ville de Paris, souvent après expropriation dans le cadre d'opérations d'urbanisme lancées sous les mandatures Chirac, mais non conduites à leur terme. Vidés. Murés.

Ils ont ensuite été occupés par des familles en panne de logement. On trouve aussi dans la liste des taudis, des copropriétés impécunieuses, des hôtels meublés ou des immeubles appartenant à des privés. Tel était le cas du bâtiment du 8, rue du Roi-Doré, dont la ville a décidé l'expropriation en 2004.

 http://www.liberation.fr/page.php?Article=320236

 

© Libération

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