LE CONTENTIEUX DE L'ELECTION PRESIDENTIELLE 2005 EN CENTRAFRIQUE

27 Janvier 2005 , Rédigé par serge Gabirault Publié dans #NOUVELLES DU MONDE

la Cour Constitutionnelle de Transition a-t-elle démérité ?

ERENON Dominique Désiré, Doctorant en Droit Public

DALEMET REBAILE Alain Fiacre, Juriste


Par sa décision du 30 décembre 2004, la Cour Constitutionnelle de Transition a invalidé sept des douze candidatures jugées pourtant recevables par la Commission Electorale Mixte Indépendante (CEMI). Le 10 janvier 2005, cette même institution de transition a procédé au rejet massif des candidatures à la députation présentées par plusieurs forces politiques visiblement redoutées par la « Convergence Kwa na Kwa », une coalition de vingt-cinq partis politiques conçue pour le président BOZIZE.

En examinant de près les deux décisions de la Cour Constitutionnelle de Transition, on se rend compte que les arguments avancés pour justifier l’invalidation de ces candidatures ne reposent sur aucun fondement juridique ; ils sont purement et simplement fallacieux et laissent transparaître de toute évidence une allégeance de la Cour à un ou quelques candidats.

On peut très légitimement s’interroger sur les décisions précitées de la Cour qui écartent les candidats réputés gros calibres entre lesquels l’opinion publique centrafricaine se partage pourtant : d’une part, elles sont inopportunes car viciant ab initio et totalement le déroulement général des élections et créent non seulement une défiance outrancière entre les différents acteurs politiques mais aussi instaurent un climat non moins malsain de suspicions diverses ; d’autre part, elles sont dangereuses pour la nation car on imagine aisément que les candidats recalés tels NGOUPANDE, PATASSE ou ZIGUELE, MASSI et DEMAFOUTH ne reconnaîtront pas le futur chef de l’Etat et rendraient le pays ingouvernable par des mots d’ordre de désobéissance civile et des mouvements socio-politiques qui porteraient sérieusement atteinte au fonctionnement normal des p! ouvoirs publics et précipiteraient la République Centrafricaine au fond de l’abîme.

Dans cette fort probable hypothèse, la transition n’aura pas été bénéfique pour le pays à défaut de permettre à celui-ci de se réconcilier avec lui-même et de renouer en toute transparence et sérénité avec l’ordre constitutionnel interrompu depuis le coup de force du 15 mars 2003.

I/ LA COUR CONSTITUTIONNELLE, SEUL JUGE DE L’ELIGIBILITE

Devant la forte réprobation générale à l’intérieur comme à l’extérieur du pays qui a suivi les fameuses décisions précitées de la Cour, le président François BOZIZE, lors d’une adresse à la nation, a validé trois des sept candidatures recalées par la Cour notamment celles de ZIGUELE, NGOUPANDE, et MASSI.

En effet, seule la Cour Constitutionnelle est compétente en matière du contentieux de l’élection présidentielle, celui des élections législatives ressortant de la compétence du Tribunal Administratif. C’est donc à la Cour d’examiner les réclamations liées au scrutin présidentiel. A l’issue des élections, la Cour Constitutionnelle examine la régularité du scrutin et des comptes de campagne mais cette hypothèse ne nous intéresse pas ici au premier chef. Avant l’élection, la Cour est compétente pour statuer sur les requêtes dirigées contre les actes préparatoires.

En vertu de sa mission générale du contrôle de la régularité des opérations électorales, la Cour est compétente pour statuer sur les requêtes dirigées contre les actes conditionnant la régularité d’un scrutin à venir dans les cas où l’irrecevabilité qui serait opposée risquerait de compromettre gravement l’efficacité de son contrôle des opérations électorales, vicierait le déroulement général du vote ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics. Parlant des actes préparatoires, il s’agit de réclamations relatives à l’établissement de la liste des candidats. Il faut préciser avec force que l’examen des candidatures par la Cour Constitutionnelle a pour but de filtrer celles-ci de manière à écarter la dérision ou des farfelus ou hurluberlus et les réserver aux seuls représentants des diverses sensibilités politiques entre lesquell! es l’opinion publique se partage. C’est ainsi que le système de parrainage des candidatures aurait dû être institué par au moins 350 signatures recueillies dans treize (13) des seize (16) préfectures que compte le pays. Bref, l’élection présidentielle ne doit pas s’exprimer aux dépens de la démocratie.

La Cour Constitutionnelle est juge de l’éligibilité ; toute personne dont la candidature n’a pas été retenue peut présenter une réclamation devant la Cour qui l’examine et rend une décision qui sera alors susceptible d’aucun recours et s’imposera erga omnes, nolens volens. En revanche, la requête sera frappée d’irrecevabilité si elle ne peut se prévaloir d’aucune présentation ou si elle a été présentée avant la publication des candidats. Ainsi, qu’est ce qui aurait dû normalement se passer suite à la publication des candidats par la Cour le 30 décembre 2004 ? Les recalés pouvaient faire valoir leurs droits en introduisant des requêtes auprès de la Cour afin d’obtenir un nouvel examen de



leurs dossiers. Et donc ni le Président BOZIZE n’avait le pouvoir de procéder par quelque moyen que ce soit à la validation des candidatures ou de certaines candidatures rejetées par la Cour ni aucun pouvoir constitué ou organe de l’Etat n’avait non plus le pouvoir de le faire. Et le fait pour le président BOZIZE de l’avoir malheureusement fait n’avait aucun sens juridique, un acte réputé nul et de nul effet. Il interfère ainsi dans les affaires de la Cour manquant ainsi de respect pour la répartition des compétences au sommet de l’Etat.

Dans cette affaire, le président BOZIZE pouvait à la rigueur faire une déclaration dans laquelle il aurait souligné le droit et la liberté pour les recalés de faire un recours devant la Cour. La validation ou l’invalidation définitive des candidatures se fait par une décision dûment motivée (reposant sur une argumentation juridique rigoureuse et non sur de petits calculs politiciens devant profiter à tel ou tel candidat) de la Cour Constitutionnelle et non par décret ou simple discours présidentiel surtout que le président sortant de la transition est candidat à sa propre succession.


(suite au prochain numéro)





27/01/2005
source :

http://www.leconfident.net

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