Inflation et tensions politiques enflamment le Cameroun
Carburant. A l’origine de cette situation chaotique, qui a gagné d’autres villes du pays, une grève des taxis contre la hausse du prix du carburant commencée lundi matin et qui a vite dégénéré. Aux revendications des transporteurs se sont ajoutées celles de la population. «Les gens se servent de la grève des taxis pour exprimer toutes leurs frustrations», commente un habitant. «La vie est devenue trop chère, les prix augmentent chaque jour sur le marché, on ne s’en sort plus !» explique une femme de ménage. L’annonce, en janvier, d’une révision de la Constitution est aussi largement mise en cause. Ce projet prévoit notamment de lever la limitation du nombre de mandats présidentiels, ce qui donnerait la possibilité au président Paul Biya, 75 ans, au pouvoir depuis 1982, de se représenter en 2011. Elle devrait être adoptée en mars par l’Assemblée nationale, largement dominée par le parti de Biya, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
«Il n’est pas question que Biya impose une présidence à vie. La population à 90 % rejette cette révision,Toute tentative de modification est vécue par les gens comme une provocation. Elle signifie pour eux que leur misère, dont ils rendent responsable le régime en place, va continuer.» Pour éviter un «scénario à la kenyane» au Cameroun, l’un des pays plus riches du continent africain jusqu’au début des années 80, les autorités avaient décidé en janvier d’interdire les manifestations à Douala, fief de l’opposition. Le SDF a prévenu qu’il passerait outre. Samedi, cependant, devant l’important dispositif policier déployé, il a renoncé au dernier moment à tenir un meeting dans un quartier populaire. Malgré tout, à la surprise générale, la police a chargé, faisant usage de gaz lacrymogène et de lances à eau, tirant à balles réelles selon des témoins, et provoquant des émeutes. Au moins une personne a été tuée par balle. assure un député du Social Democratic Front (SDF), principal parti d’opposition.
Frustrations. «Le ministre de la Défense est derrière ce qui se passe aujourd’hui : il cherche à créer le chaos pour fragiliser Biya à qui il est opposé», glisse un journaliste camerounais. Seule certitude, depuis plusieurs mois, le camp au pouvoir est traversé par des luttes internes en vue de la succession de Biya, dont le long règne a nourri les frustrations.
A Douala, la préoccupation est aujourd’hui de trouver de quoi manger tandis que certains quartiers restent en proie aux violences. Dans la capitale politique, Yaoundé, où avaient lieu hier et aujourd’hui des réunions entre les syndicats de taxis et le gouvernement, des pénuries de carburant, d’ordinaire acheminé depuis Douala, sont signalées. «L’annonce d’une éventuelle baisse du prix du carburant ne mettra pas fin à la crise. Il faut que Biya s’adresse à la population et renonce à son projet de modification», estime le député SDF.
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