L'AFRIQUE , DE LA DÉPENDANCE À L'INDÉPENDANCE

25 Avril 2013 , Rédigé par GASPARD-HUBERT LONSI KOKO / AGORAVOX Publié dans #NOUVELLES D'AFRIQUE

union-africaine-ua-1518b-7a9ec.gifAprès un vote favorable[1], le Parlement français a autorisé le lundi 22 avril 2013 la prolongation de l’opération Serval que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a qualifiée de « réussite » sur les plans politique et militaire. De plus, selon le chef du gouvernement, la décision de François Hollande d’engager la France a « profondément changé la donne du combat contre les groupes terroristes ». Quant au ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le courage et le professionnalisme des soldats français ont permis de libérer l’ensemble du territoire malien et de réduire la menace djihadiste. D’aucuns se rappellent, dans la même optique, l’adoption à l’unanimité le 28 mars 2013 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, sous la présidence russe, de la résolution 2098 requalifiant de facto le mandat des forces onusiennes et autorisant le déploiement de la brigade d’intervention dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Pourquoi, plus de cinquante ans après les indépendances, l’Afrique reste toujours un champs d’entraînement, grande nature, pour les forces armées extracontinentales ? Les réponses à ces questions sont sans conteste d’ordre à la fois local, régional et continental.

Des armées défaillantes

Pour se maintenir le plus possible au pouvoir, tous les dictateurs africains ont surarmé leurs gardes prétoriennes au détriment des armées nationales. Ainsi les membres à majorité Ngbandi[2] qui composaient la Division spéciale présidentielle (DSP)[3], force d’élite de l’armée zaïroise, disposaient d’un salaire plus important que celui des autres agents de sécurité[4]. Ils veillaient à la protection du président Mobutu Sese Seko, et non à la stabilisation du territoire dont la protection dépendait d’une armée inefficace. Cet exemple a également fonctionné au Togo, où le président Gnassingbé Eyadéma fut un imitateur du maréchal zaïrois. D’autres pays africains dirigés par des potentats n’ont pas échappé à ce schéma, qu’ils continuent à appliquer, consistant à sacrifier la défense nationale au profit d’une nomenklatura.

Une transition démocratique et identitaire

Le défaut de transition démocratique dont souffre un grand nombre de pays africains est dû aux difficultés qu’éprouvent les différents acteurs politiques à s’entendre sur les conditions et les modalités d’accession au pouvoir, ainsi que sur la conception de l’État de droit. C’est le cas de l’Algérie, la République Démocratique du Congo, du Congo-Brazzaville, la République Centrafricaine, de la Guinée, du Togo et du Tchad. Par contre, dans d’autres pays, les pesanteurs ethniques constituent le fondement de la démocratie. C’est ainsi que les problèmes identitaires ont abouti au génocide rwandais en 1994 et hypothéqué l’avenir des pays comme le Rwanda, le Burundi, la Somalie et le Soudan.

Le déficit des accords régionaux de non-agression

Les différentes actions armées, très souvent diligentées par des forces extracontinentales mais exécutées par des autochtones, ont fini soit par partitionner un pays[5], soit par déstabiliser tout un ensemble des pays comme c’est le cas dans la région des Grands lacs où la stabilité du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda est menacée par l’instabilité de la partie orientale de la République Démocratique du Congo. Cela avait été longtemps le cas en Afrique australe, où l’Angola avait constamment servi de champ de bataille entre les Occidentaux et les Soviétiques – le Zaïre de Mobutu et l’Afrique du Sud ayant servi de bases arrière aux rebelles de Jonas Savimbi[6]. Les conflits régionaux n’ont pas épargné non plus la Corne de l’Afrique, où l’échec de l’Onusom[7] (1992-93) et le retrait des États-Unis ont fini par générer la guerre civile en Somalie.

Le défaut d’une vision continentale

Les tergiversations de l’Union africaine dans la crise ayant frappé la Côte d’Ivoire, l’inertie de cette institution pendant que la Libye du colonel Kadhafi était pilonnée par des forces extracontinentales et son incapacité à se doter d’une force interafricaine en mesure d’intervenir militairement dans les pays en proie à des conflits armés laissent la porte ouverte à toutes sortes d’ingérences dans les affaires continentales. Enfin, l’incapacité des pays africains à adopter une position commune dans les institutions internationales rend davantage moribonde la diplomatie africaine. Tous les éléments évoqués supra rendent impossible la vision panafricaine.

Rompre avec la dépendance

Certes, les pays africains jouissent d’une reconnaissance internationale. Mais ils risquent de dépendre sans cesse des autres puissances planétaires s’ils ne prennent pas courageusement le taureau par les cornes. L’indépendance du continent africain est fonction de la matérialisation des unions douanières sur les plans régionaux et de la signature des accords régionaux de non-agression pouvant permettre des dispositifs tel que le dispositif Recamp[8] qu’avait initié la France. C’est la condition sine qua non pour que l’Union africaine puisse défendre d’une seule voix, au sein des institutions internationales, les intérêts continentaux. De plus, la nouvelle géopolitique en pleine gestation est très favorable l’Afrique. Qu’attendent donc les acteurs politiques africains pour façonner l’argile, qui plus est humide ?

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

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