Centrafrique, une crise oubliée

10 Octobre 2009 , Rédigé par Youphil.com Publié dans #CENTRAFRIQUE INFOS

Des milliers de Centrafricains souffrent de la faim et de la pauvreté dans une indifférence totale.

S'il y a des crises dont on ne parle pas, des crises oubliées - comme on dit dans le jargon humanitaire - qui restent loin de l'attention des médias et de l'intérêt de l'opinion publique, la République Centrafricaine est certainement l'une des premières de la liste. Depuis des mois, plusieurs organisations humanitaires internationales ne cessent d'alerter sur le sort des populations civiles de cette ancienne colonie française en Afrique.

Ce pays est l'un des plus pauvres de la planète et l'incurie de son gouvernement est connue de tous. Comme le souligne l'ONG Action Contre la Faim (ACF), "80% de la population y vit avec moins de 2 dollars par jour. L'espérance de vie y diminue en moyenne de 6 mois chaque année depuis 1966 et est passée en dessous des 40 ans. Le taux de prévalence du sida est l'un des plus élevés d'Afrique centrale…". Rien de surprenant à ce que le pays soit classé au 178ème rang sur 179 au classement du PNUD sur l'Indice du Développement Humain (en pdf). Que se passe-t-il dans ce que l'on peut s'aventurer à appeler un enfer sur terre?

Malnutrition aiguë

Au sud du pays, dans les préfectures de Mambéré Kadei, Sangha Mbaéré et Lobaye, l'UNICEF estimait en août dernier que "16% des enfants de moins de 5 ans souffraient de malnutrition aiguë et 6,6% de malnutrition aiguë sévère".

L'agence onusienne soulignait alors que ces niveaux de malnutrition sont supérieurs aux seuils d'urgence fixés à 2% pour la malnutrition aiguë sévère et à 15% pour la malnutrition aiguë globale. "Près de 700 .000 enfants de moins de 5 ans sont dans une situation considérée comme inacceptable. Beaucoup d'entre eux glissent vers l'extrême limite de la survie".

Des causes multiples

Des évaluations conduites au courant de l'été 2009 par les équipes d'ACF et Médecins Sans Frontières (MSF) sont venues confirmer la gravité de la situation sanitaire, et les programmes de nutrition ouverts ces derniers mois pour prendre en charge en urgence les cas les plus graves traitent déjà des milliers d'enfants dénutris.

D’après les secouristes, les causes de cette nouvelle crise nutritionnelle sont multiples. "50% des Centrafricains ne mangent qu'une fois par jour une nourriture quasi exclusivement à base de manioc", indiquent-ils. En dépit de conditions agro-écologiques favorables, le régime alimentaire est pauvre et la malnutrition est déjà chronique.

Crise du secteur minier et délabrement du système de santé

"L'activité dominante dans la zone est restée centrée sur l'exploitation minière, à tel point que la population est amenée à importer les produits alimentaires d'autres régions", estime ACF. De son côté, MSF note également que "la crise qui touche le secteur minier, principale source de subsistance pour la majorité de la population" ne permet plus aux familles de faire face. "La crise a privé un grand nombre d'hommes de leur emploi, les laissant sans aucune autre source de revenu; de nombreux bureaux d'achat d'or et de diamant ont dû fermer ces derniers mois".

Si les patients souffrent de malnutrition, ils sont aussi les victimes d'autres maladies meurtrières comme le paludisme, la tuberculose, les diarrhées ou le sida. Le délabrement du système de santé national est tel qu'ils n'ont le plus souvent pas accès aux soins, faute de pouvoir payer, ou "faute de personnel de santé formé et en nombre suffisant", comme le souligne dans une campagne de sensibilisation publique l'ONG britannique Merlin.

Instabilité politique

Sans parler de son instabilité politique chronique et des rumeurs continues de coups d'Etat qui secouent régulièrement la capitale Bangui, le nord du pays est, depuis 2005, le théâtre de combats entre forces gouvernementales et divers groupes rebelles, avec les déplacements de population et les souffrances accumulées que cela implique. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) parle de près de 300 000 personnes déracinées et regrette que "la crise humanitaire au nord de la République Centrafricaine (soit) largement éclipsée par la crise au Darfour et dans l'est du Tchad". Depuis, L'UNICEF a conduit d'autres enquêtes qui montrent combien la mortalité des enfants est élevée, tout comme les violences dont ils sont les victimes.

La République Centrafricaine mérite à n'en pas douter une attention plus soutenue des principaux Etats bailleurs de l'aide internationale, pour appuyer les efforts des ONG nationales ou internationales qui tentent de faire face à la situation, et contraindre le gouvernement à une autre gouvernance... Faute de mobilisation internationale digne de ce nom, les Centrafricains risquent de continuer à mourir en silence encore longtemps.

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